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Le crédit d’impôt immédiat, maintenant !

Newsletter | 26 juin 2018
S’il est une mesure fondatrice de l’aide à domicile à l’ère moderne, et plus généralement des services à la personne, c’est bien celle du crédit d’impôt. Mise en place sous la forme de réduction d’impôt en 1991, puis complétée par un crédit d’impôt à proprement parler, c’est-à-dire un remboursement du trésor public aux particuliers, cette mesure a tout simplement permis au secteur de se développer formellement. Car avant qu’elle ne soit actée, les services déclarés au domicile d’un particulier était en chute libre, laissant le gros du marché au travail non déclaré. Depuis sa mise en oeuvre, avec ses 3,7 milliards d’euros annuels, la mesure soutient massivement le secteur. Alors quel est le problème ?Celui de l’avance de trésorerie à opérer par les particuliers. Car comme tout mécanisme fiscal lié à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, la temporalité du versement du crédit d’impôt est calée sur le versement de l’impôt lui-même. C’était déjà problématique avant le prélèvement à la source, avec des décalages de trésorerie pouvant atteindre jusqu’à 18 mois. La FESP et l’ADMR étaient d’ailleurs montées au créneau début 2017, rapport d’expert à l’appui à la fois pour expliquer les bienfaits de la suppression du décalage de trésorerie et pour envisager les modalités opérationnelles de cette suppression. Des prises de positions largement partagées dans le secteur sur l’objectif à atteindre, moins sur les modalités, qui posaient un certain nombre de questions.

Mais aujourd’hui, peu importe les modalités envisagées hier, car toute la mécanique doit être repensée avec ce big bang de l’acquittement fiscal que représente le prélèvement à la source, dont l’entrée en vigueur est prévue en janvier 2019. On aurait pu penser qu’agir à la source réglait en tous points les problèmes de trésorerie, mais à ce stade, il n’en est rien. La mission IGAS-IGF, constituée suite aux interpellations des fédérations sus-citées et rejointes par d’autres, achoppe toujours sur le « bon » mécanisme de réduction de décalage de trésorerie. Or, à ce stade, ce qui se profile n’est guère plus satisfaisant pour les ménages que ce qui précédait.

Aux dernières nouvelles, il est proposé que les particuliers touchent en début d’année 30% du montant de leur crédit d’impôt de l’année précédente, ce qui est certes mieux que rien, mais signifie tout de même que 70% du crédit d’impôt ne sera pas perçu avant la fin de l’année. Pire encore, le taux de prélèvement appliqué à la source ne tiendra pas compte de ce crédit d’impôt. Traduction : les ménages paieront plus d’impôt qu’avant tous les mois, y compris un impôt qu’ils ne doivent pas, aggravant donc leurs problèmes de trésorerie…

Alors comment sortir de ce casse-tête fiscal ? Bercy étudierait sérieusement la possibilité de mensualiser le versement de crédit d’impôt. C’est déjà ça, même si la modalité n’est pas encore divulguée, ni même peut-être trouvée. Il n’y en a que deux en fait : soit c’est un crédit d’impôt à proprement parler et il est versé mensuellement par 12èmes sur le compte des contribuables concernés sur la base de son montant de l’année précédente, soit c’est une réduction d’impôt et elle est intégrée dans les modalités de calcul de l’impôt à la source en n’étant tout simplement pas prélevée. Dans les deux cas, il restera une régularisation annuelle à faire, mais là n’est pas le plus compliqué.

D’ailleurs, tout cela est-il réellement complexe ? Quand on est capable de passer au prélèvement à la source, avec le lot de bouleversements que cela entraine, peut-on réellement échouer sur ce qui semble ne relever que de l’ajustement technique ? Du moins ajustement technique pour l’Etat, car pour les ménages et pour le secteur, la mesure est lourde de conséquences. Elle peut être un catalyseur favorisant l’évolution de la culture du consommateur, plus enclin à payer sa part du coût du service, en sachant qu’il est soutenu fiscalement sans délai et qu’il a à faire à des services de qualité, eux-mêmes solidifiés par cette mesure. A défaut, si le coût des services doit grever davantage la trésorerie des ménages, c’est un risque de fragilisation supplémentaire qu’il serait irresponsable de faire peser sur le secteur, ses organisations et ses salariés.

Christine JEANDEL
Présidente de COLISÉE