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Que demandent au juste les séniors ?

Newsletter | 02 janvier 2019
Effet collatéral du lancement de la mission grand âge et autonomie, pas moins de trois études ou rapports sont venus nourrir le débat sur le vieillissement, outre bien sûr la consultation officielle make.org et les groupes de travail placés sous l’autorité de Dominique Libault. Point commun entre ces rapports ? Ils partent tous des attentes des séniors. Et après tout, quoi de plus logique que de dérouler le raisonnement sur l’offre et les moyens à déployer en commençant par le commencement : les aspirations et les besoins. Constats sévères, préconisations pertinentes

 

Le format le plus original et qui s’inscrit clairement en complément de la consultation ministérielle est celui proposé par Les petits frères des pauvres.1 Le solide verbatim de 97 résidents d’EHPAD proposé a justement pour objectifs de donner la parole à ces « invisibles qu’on entend si peu » selon l’expression d’Alain Villez, le président de l’association. Les points forts des propos relatés ? Rien de bien réjouissant dans la bouche de ces résidents : ils n’ont globalement pas choisi d’entrer en EHPAD, ils n’arrivent pas à échanger avec le personnel du fait du turnover, se sentent isolés, ont peu d’intimité, un sentiment de perte de mobilité, ils se plaignent de la qualité de la nourriture et ne peuvent pas vivre à leur rythme…

Des constats proches de ceux statistiquement constatés par le Credoc dans une étude commanditée par Terra Nova, AG2R et la Caisse des dépôts2 selon laquelle pour 8 personnes sur 10, l’entrée en structure d’accueil est associée à une perte d’autonomie de choix, 61% jugent qu’ils étaient mal préparés à cet événement et 40% estiment que cela a été précipité. Pis encore, la décision d’entrée n’est attribuée à la personne concernée que dans 20% des cas.

S’agit-il d’un énième épisode de l’EHPAD bashing ? Non, et pour trois raisons. D’abord, les professionnels ne sont stigmatisés dans aucune de ces études. Ensuite, la clarté méthodologique et l’honnêteté intellectuelle sont de rigueur. Enfin, les rapports ne s’arrêtent pas aux constats mais incluent des préconisations, indispensables pour être audible dans cette période, mais aussi instructives sur plusieurs points.

Les petits frères des pauvres en font quelques-unes dignes d’intérêt, pour l’essentiel : développer les formes d’habitat alternatif et l’hébergement temporaire, soutenir les réseaux de lutte contre la solitude, faire de l’EHPAD un domicile qui offre des conditions de vie dignes, arrêter de construire des EHPAD à la périphérie des villes et à l’écart de toute activité de proximité, redonner aux repas la valeur plaisir et impliquer les résidents dans l’élaboration des recettes et menus, donner au personnel le temps et les moyens de mener leurs mission auprès des aînés les plus fragiles et privilégier les indicateurs de qualité aux indicateurs quantitatifs dans les dialogues de gestion entre gestionnaires et autorités de contrôle.

Dépasser les frontières pour se projeter

Une contribution utile à la feuille de route de l’EHPAD de demain, dont la réflexion sur le modèle gagnerait à dépasser nos frontières, non seulement parce que les groupes se sont internationalisés mais aussi parce que les situations des séniors sont similaires à bien des égards. La comparaison France, Allemagne, Espagne, Italie, proposée par Primonial Reim et BVA3 nous explique par exemple, et pour sortir des constats anxiogènes sur le vieillissement, que 80% des 60 ans et plus estiment être en bonne santé, et deux tiers d’entre eux se projettent dans ses vieux jours avec sérénité. Une proportion qui monte à 79% en Espagne contre 43% en France, peut-être parce que la vieillesse est moins pénible au soleil, ou que le Français est plus inquiet en règle générale.

Côté offre, le constat sur les prises en charge reste sévère même quand on dépasse les frontières hexagonales, seuls 30 % des séniors des quatre pays étudiés trouvent cette prise en charge satisfaisante. Les RSS et les résidences autonomie sont les seules offres à bénéficier d’une image majoritairement favorable. La qualité du personnel et le prix sont les facteurs prédominants dans le choix de l’offre, suivi par le niveau de médicalisation, qui est même le premier sujet de concernement en Espagne et en Italie. Médicalisation donc et nouvelles technologies sont accueilles favorablement. Mais aussi les espaces verts qui sont plébiscités par 93% des répondants, les espaces de convivialité (87%) et les espaces d’intimité pour recevoir les proches (88%). Se dessinent donc progressivement les lignes de l’EHPAD du futur…

Enfin, élément notable commun aux quatre pays : le manque d’anticipation de la vieillesse, le manque d’information sur les prises en charge, la posture de déni, le fait de compter d’abord sur les proches. Plus marqué dans les pays du sud qu’en Allemagne par exemple, le phénomène n’en reste pas moins très révélateur du manque de prise de conscience en amont du vieillissement et de ses conséquences. Et si c’était par là qu’il fallait commencer ? Porter un autre regard sur le vieillissement et sur les investissements préventifs individuels et collectifs à réaliser pour construire la vieillesse épanouie de demain ?

1. « Paroles de résidents – paroles de résistants », étude réalisée par Les Petits frères des Pauvres. https://fr.calameo.com/read/00235774948601cb17961
2. « L’heure du choix : l’entrée des personnes âgées en structure d’accueil », étude réalisée par le Crédoc pour Terra Nova, AG2R La Mondiale et le Groupe Caisse des Dépôts. https://www.credoc.fr/download/pdf/Rapp/R324.pdf 
3. « Habiter le 4ème âge au 21ème siècle », étude réalisée par BVA Opinion pour Primonial REIM.https://www.primonialreim.com/documents/43619/43688/Etude+BVA+support+mediat/d2f0c4b2-b155-6d90-740f-e54701fdbaa4