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Quelques principes pour décloisonner l’EHPAD et le domicile

Newsletter | 01 avril 2019

Le domicile n’a jamais été autant considéré comme l’avenir de la prise en charge de la perte d’autonomie qu’au cours des derniers mois. Mais son modèle économique reste très fragile.

Dans la même séquence, depuis plus d’un an, on parle de crise des EHPAD, tout en sachant que l’EHPAD restera un élément structurant de l’offre aux personnes âgées. De surcroît, les expérimentations d’EHPAD hors les murs ou d’EHPAD à domicile se multiplient, mais de façon balbutiante et sans modèle bien établi. Comment dans ces conditions opérer le rapprochement EHPAD-domicile, dont le principe fait largement consensus ?

Partons déjà des besoins pour avoir un minimum de perspective. Ils sont à la fois en train de se massifier et de se préciser. En 2040, la France comptera entre 1,7 et 2,2 millions de personnes âgées dépendantes auxquelles s’ajouteront, de façon massive aussi également, des personnes âgées autonomes mais fragiles. Et comme un tiers des retraités restera largement solvable, en plus des dispositifs de solvabilisation existants en cours de refonte, il n’y a pas de problème réel de demande, mais plutôt d’adaptation de l’offre à cette demande. Une demande qui émanera de plus en plus souvent de séniors connectés, aux parcours de vie et familiaux ayant connu des ruptures, dont le profil se diversifie à l’image des modes de vie, mais tous très attachés à leur liberté. Et dans cette liberté, il y a évidemment une préférence pour le domicile et une appréhension de l’EHPAD toujours vive.

Or, les personnes âgées dépendantes vivent déjà très majoritairement à domicile. Pas de révolution à opérer, la France n’est pas le pays de l’institutionnalisation et ne le deviendra pas. La question est ailleurs. Elle est dans l’innovation de services pour délivrer le meilleur niveau de qualité à l’endroit où les personnes souhaitent ou peuvent vivre. Et il y aura besoin pour cela de combiner les forces de l’EHPAD et de l’aide à domicile pour y arriver, avec une bonne dose de modernisation. L’un comme l’autre doivent s’ouvrir sur le territoire et vers un spectre d’offre plus large. Cela permettra en outre d’opérer de la mutualisation, y compris sur les ressources humaines et sur la dynamique de professionnalisation.

C’est l’assise de l’EHPAD qui doit être le moteur de la structuration de cette nouvelle offre et d’une mutualisation qui doit consolider le modèle de l’aide à domicile et mieux l’inscrire dans l’offre médico-sociale locale. Le domicile, lui, doit amener la logique préventive et la capacité à anticiper la perte d’autonomie. Ensemble, en avançant de manière décloisonnée, EHPAD et domicile doivent penser l’aide et l’accompagnement de la personne âgée de façon globale d’emblée et fluidifier les parcours des personnes âgées, dont les ruptures sont encore trop fréquentes.

Le tout doit aboutir à une offre profondément ancrée dans son territoire, lisible à l’échelle de celui-ci, reposant sur un maillage territorial clair, articulée autour de « centres ressources » que pourraient être les EHPAD de demain, proposant ainsi de l’hébergement sous différentes formes, de l’information sur les droits, les aides, l’offre existante et les technologies. Un EHPAD capable aussi, en s’associant aux compétences des services d’aide à domicile, d’évaluer de façon globale les besoins des personnes âgées, d’organiser la prévention et les soins, l’accueil pour les aidants, la formation pour les professionnels, la restauration, sur place, à emporter et à porter au domicile.

Le nouvel ensemblier deviendrait ainsi, non seulement l’opérateur et le coordinateur d’une offre globale intervenant en EHPAD, en résidence service et à domicile, mais également l’animateur d’une « communauté » de personnes âgées participant à la vie du bassin dans toutes ses dimensions : loisirs, bénévolat, citoyenneté, promotion d’une société inclusive… Le tout dans une logique de société inclusive où l’offre serait conçue en lien avec les personnes âgées elles-mêmes, au plus proche de leurs besoins et de leurs usages.

Cela demanderait a minima quelques évolutions réglementaires, à commencer par la perméabilité des autorisations, en établissement comme à domicile, pour aller vers une logique d’autorisation globale. En corollaire, les financements devront aussi être totalement décloisonnés, partant des besoins de la personne pour financer l’offre adéquate pour y répondre, avec une grande liberté de combinaison de prestations et de lieux de réalisation de ces prestations, tant que le résultat est là, attesté par un système d’évaluation de la qualité entièrement repensé.